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Que ferions-nous sans les bœufs ?

« Que ferions-nous sans les bœufs ? », c’est sans doute ce que se sont dit les bâtisseurs des églises du XIXe siècle. Au regard du public extérieur à la région, ces églises leur apparaissent majestueuses, aux allures de cathédrale. Elles participent à l’identité des Mauges.

            Le plus souvent de style néogothique, elles ont été conçues à une époque où la pratique religieuse était généralisée. Elles furent construites à une période où les moyens modernes n’existaient pas, et pourtant elles ont atteint des sommets. Point de chariots élévateurs, ni de semi-remorques pour les construire. Et si la force des bras était nécessaire pour monter les murs, celle des bœufs était aussi requise. Elle l’était pour charroyer des tombereaux de pierre en provenance des carrières environnantes, mais aussi des autres matériaux déchargés dans les ports des bords de Loire, dans les conditions rustiques de l’époque. En 1862, l’abbé Jacques Gastineau, à l’initiative de la reconstruction de l’église de Roussay, en témoigne : « Et tous les charrois… qui s’effectuaient la nuit, la plupart du temps, pour ménager le souffle des bœufs ! Personne ne refusait de partir et pourtant dans quelles conditions de route et de chemins ! ». Mise en service en 1862, cette église ne fut consacrée que le 16 décembre 1867 par Mgr Vital Gantin, missionnaire dans le Grand Nord canadien, lors de son passage en France.

            Le 21 décembre 1911, à la suite d’une forte tempête, la flèche de l’église de Roussay s’abat sur la toiture et détruit la voûte sans faire de victimes. L’histoire ne le dit pas, mais les bœufs ont certainement été mis à contribution pour charroyer les quarante tombereaux de débris. À la mi-mars l’église est déjà réparée et remise en service. Parmi les aménagements ultérieurs réalisés aux alentours des années 1960, le maître-autel, élevé en pierres calcaires, a été remplacé par un autel massif en granit, et la chaire a été enlevée de l’église. Mais, là, les bœufs n’ont pas été sollicités : ils avaient disparu du quotidien.

            Après avoir assurés, jadis, les déplacements des rois fainéants puis œuvrés aux « labourages et pâturages » chers à Sully, les bœufs, à leur manière, ont aussi, contribué à de grandes œuvres. 1862-2022 : 160 ans. Le temps des bœufs est passé, les chevaux-vapeur sont arrivés et les chevaux électriques pointent de plus en plus le bout de leur nez. Mais en cas de panne générale… à coup sûr, les bœufs feront des heureux.

            Laurent Cholet

            Article paru dans le magazine municipal d’octobre 2022 de Sèvremoine

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