Skip to main content

La Croix de Genette, ou l’antique Dervonae

Le point de jonction de quatre communes,

une particularité du Canton de Champtoceaux.

Sur la frontière sud-est du canton de Champtoceaux, il est un endroit particulier, en pleine nature, où l’histoire a rendez-vous avec la géographie et peut-être aussi… avec l’au-delà ! Quatre communes s’y rejoignent, et cela semble insolite. En effet, en un même point de jonction trois territoires peuvent se rencontrer, mais quatre, c’est beaucoup plus rare, à moins qu’il y ait eu un intérêt très fort pour que chacune des quatre communes ait voulu, soit posséder ce même lieu, soit avoir la possibilité d’y accéder.

Quel est l’intérêt si particulier de ce haut-lieu, ce « patrimoine commun à quatre communes » désormais quasi oublié, qui depuis très longtemps s’appelle « La Croix de Genette » ?

L’Histoire de la Croix de Genette

Cette Croix de Genette est située à la lisière du bois du Ponceau, aux confins des communes de Liré, St Laurent des Autels, St Christophe la Couperie et le Fuilet. On y accède par une belle allée forestière, face au chemin qui conduit au lieu-dit les Gravaudières, à la limite nord-est de la commune de St Christophe la Couperie. En regardant les différents plans cadastraux de ces communes, on est surpris de constater que les trois communes du canton de Champtoceaux allongent leur territoire pour venir dans la forêt, jusqu’à ce point de jonction en touchant aussi la limite de la commune du Fuilet. Le constat le plus avéré concerne la commune de Liré, qui, partant de la rive gauche de Loire, se prolonge considérablement vers le sud, pour atteindre les douze kilomètres de long, en venant en pointe fine jusqu’à cette Croix de Genette. Ce lieu est aussi, l’un des points culminants du canton de Champtoceaux et de toute cette partie du pays des Mauges, car il atteint les 104 mètres, au faîte du plateau argileux d’où les eaux coulent, puisque plusieurs ruisseaux y prennent leur source. Mais, il y a des milliers d’années, quel intérêt avait incité les gens de nos quatre territoires, non délimités à l’époque, et de toute la région, les paysans, les potiers, les employés des puisets d’extraction des minerais métallifères et aurifères, les forgerons et autres artisans, à venir jusqu’ici au fond de l’antique forêt ? Et quand ces territoires se sont délimités, l’intérêt de chacun n’était-il pas d’avoir un accès à ce lieu ? Qu’avait-il donc de si particulier ?

Pourquoi « la Croix de Genette » ? Les gens de St Laurent des Autels la nomment «  la Croix de Jeannette » mais leur ancien curé préférait « la Croix de Jeunette » parce que d’après lui, on devait venir y prier « à jeun » (paroles de curé). Pour ceux du Fuilet c’est « la Croix de Genette ». Les Fuiletais ont peut-être raison ! La Genette est un animal proche du chat sauvage, bien que ce ne soit pas un félin. Et de nos jours, on en trouve encore dans la forêt du Ponceau ou sur les landes argileuses et boisées du Fuilet, ou encore grimpées sur les branches des arbres qui bordent nos ruisseaux. Ce mammifère carnivore de la famille des viverridés, nocturne et discret, affectionne tout particulièrement les arbres creux dans lesquels il niche, et les sources claires où il aime se délecter. Et dans notre forêt, il y a toujours eu des chênes creux non loin de la source. Quelle source ?

Sous le calvaire actuel qui marque l’emplacement de la Croix de Genette, il y a une source, invisible de nos jours, et cependant bien réelle ! Des radiesthésistes et des géobiologues y ont détecté cette source associée à un courant tellurique, comme sous la plupart des dolmens du néolithique, sous les temples de l’antiquité et sous les pyramides d’Égypte ou d’Amérique du sud, sous les anciens lieux de cultes celtiques, tout comme aussi sous nos grandes cathédrales, ou sous certaines églises ou simples chapelles oubliées. Si tout le globe terrestre est parsemé de ces endroits si particuliers, c’est qu’il y a une raison. Ces lieux énergétiques qui sont autant de points vibratoires sur les sources d’eau vivante sont là pour le bien-être de l’humanité, mais l’humain les a désormais oubliés… et bien évidemment, on ne s’en porte pas mieux !

Jadis, il y a plusieurs millénaires, les populations savaient qu’une source dont le courant d’eau était irradié par un courant d’onde tellurique était une merveille de la nature, une source d’énergie, avec ses propriétés curatives et régénératrices. Cette source vive avait souvent des pouvoirs extraordinaires sur certaines personnes initiées au temporel et au spirituel, en leur permettant parfois la liaison entre le monde terrestre et l’au-delà. Alors, quand l’homme découvrait un tel lieu, il le marquait d’un signe, d’un repère, d’une petite croix gravée soit sur une pierre, soit sur le tronc d’un arbre proche. Pourquoi une croix ? Tout simplement parce que ce signe rappelait que là, sous la terre, le courant d’eau se « croisait » avec un courant d’onde tellurique. Et très souvent, ces sources énergétiques devenaient des fontaines guérisseuses. Alors les habitants de la contrée venaient se ressourcer ou se guérir en ces endroits qui devinrent de véritables lieux de culte. Là, chez nous en cette forêt, à l’époque celtique, on se rassemblait autour du guérisseur du corps et de l’âme, le druide, cet initié intermédiaire entre terre et ciel, au « croisement » entre le temporel et le spirituel. On venait « à la croix » des quatre coins de l’horizon, par les landes marécageuses et la sombre forêt en ce « caroueil », à la croisée des chemins. C’était un lieu de rencontre sous les grands arbres, on s’y sentait bien, tout simplement ! A partir de là, des chemins venant des voyettes d’entre les villages potiers et métalliers (d’entre Mauges et Loire) s’en allaient rejoindre en trois directions le trafic commercial fluvial de la Loire. Un chemin rejoignait le port des Léards en longeant le ruisseau du Loup par la coulée (entre Drain et Liré). Les deux autres, bifurquaient à partir du site argileux du Barbotin (en St Laurent des Autels), le chemin des Landes du Parc, dit des potiers, descendait au port de « Dervunium » (Drain) et le grand chemin de la Lande du Pavé (la voie romaine) conduisait à la haute citadelle fortifiée du « Castrum-Sellense » (Champtoceaux) avec son port à péage, le « Portus-Sellis ». 

Voilà donc, vraisemblablement élucidée, la toponymie de ce lieu qui, depuis très longtemps, s’appelle la Croix de Genette : un endroit où la genette venait boire à la source avant de disparaître dans les branchages du grand arbre trônant là, comme pour mieux protéger la fontaine aux pouvoirs extraordinaires et pourtant si naturels, le croisement souterrain d’un courant d’eau et d’un courant d’onde tellurique donnant « l’Eau Vivante ». En ce lieu, tout près du calvaire, s’élèvent deux arbres remarquables : un grand hêtre « un fouteau » dont le tronc est quasi accolé à la croix, et environ quatre mètres plus à l’est, c’est un grand chêne. La particularité de ces deux géants séculaires, c’est que leurs troncs et surtout leurs branchages qui s’étalent au-dessus du sanctuaire, sont complètement tordus, alors que les autres hêtres et chênes de la forêt s’élèvent bien sagement, tout droits les uns à côté des autres… pourquoi ? Cela est dû tout simplement à l’énergie qui s’élève du sous sol. C’est une énergie offerte par l’univers à tous les êtres vivants réceptifs des bienfaits de la nature, tant les humains, que les arbres et les animaux, dont bien évidemment la discrète genette !

Une étymologie peut aussi en cacher une autre plus ancienne… En effet, la genette, originaire d’Afrique du Nord, ne fut introduite en France par les Maures, pour défendre les récoltes contre les rongeurs, que vers le haut Moyen-Age. Aussi, il me semble qu’avant d’être connu sous le nom de Croix de Genette, ce lieu était un antique « Dervonnae » un sanctuaire celtique dont le mot est formé du préfixe « Derv » et du suffixe « Onnae », deux termes celtes signifiant le chêne et la source. Ce terme « Dervonnae » s’est cristallisé au fil des siècles et des millénaires, sous l’étymologie d’une paroisse voisine : Drain. Dervonnae s’est mué en Dervunium, Derunium à l’époque gallo-romaine, puis Drunium, Druginum, Drano et Drain. Jadis, la paroisse de Drain, comme celle de Liré s’étalaient du bord de Loire jusqu’ici pour avoir accès à ce haut-lieu. En fait, ces paroisses s’allongeaient tellement pour venir ici dans la forêt, qu’elles avaient dû édifier des chapelles intermédiaires : la chapelle St Marc de Beaulieu pour Liré et la chapelle St Laurent des Aultiers pour Drain. Seule St Laurent des Aultiers est devenue paroisse dépendante de Drain, une « fillette » avant de devenir indépendante en 1770 sous le nom de St Laurent des Autels. Et depuis cette date, St Laurent des Autels sépare la paroisse de Drain de l’antique sanctuaire de la Croix de Genette. Quand à la chapelle St Marc de Liré, celle-ci est restée chapelle dépendante, mais sous le vocable de Notre-Dame. Il est probable, qu’il y a plusieurs millénaires, bien avant la création des paroisses, cette appellation « Dervonnae » désignait tout le territoire environnant, mais seule la paroisse de Drain en a gardé le souvenir. Pendant bien des années, notre célèbre historien-archéologue Alfred Poilâne (1870-1950) de Montrevault, a cherché lui aussi au creux de notre terroir, sans vraiment y parvenir, le site sacré de « Derv-Onnae » associant le chêne et la source. A son époque, on ne s’intéressait pas encore à la géobiologie, ni aux énergies telluriques. Il situait ce temple de la nature aux environs de la Deruère, issu de « Derv » devenue la « Derrière » à l’extrémité nord-ouest du Puiset-Doré. Il en était pas loin ! Mais il fallait chercher « par derrière » un peu plus haut dans la forêt ! Tout aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne connaissait donc pas la Croix de Genette, puisqu’il ne cite jamais, dans ses merveilleux ouvrages, le nom de cet ancien sanctuaire païen, le haut-lieu de ce territoire de l’ouest du pays des Mauges.

Quand la christianisation s’est imposée, la connaissance antique des « pagani fideles » en ce lieu de revitalisation, devait laisser la place à une religion basée sur la croyance. L’antique Dervonnae, alors dénigré, devint un lieu non fréquentable, qualifié de païen et maudit par le clergé des paroisses voisines. Cependant, les gens des alentours y venant toujours malgré les injonctions du curé, celui-ci récupéra l’endroit qu’il transforma en y élevant un calvaire chrétien au-dessus de la source, qui elle, disparu sous l’édifice. C’est ainsi que ce lieu naturel, enchanteur et sacré de l’antique Dervonnae fut dissimulé et dénaturé en devenant chrétien ! Une croix de supplice et de douleur devait se substituer à l’antique croix « de Vie ». La croix chrétienne actuelle fut bénite en 1913. C’était la troisième élevée à cet endroit depuis la Révolution de 1789, mais il y en eu certainement d’autres auparavant.

Dans la contrée, on dit que jadis, quand les petits enfants avaient des difficultés pour pouvoir marcher, leurs mères les amenaient à la Croix de Genette pour les aider à faire leurs premiers pas. On y venait aussi dans l’espoir de guérison de certaines maladies. Les nombreux chapelets, crucifix, statuettes jonchant le pied du calvaire témoignaient de la reconnaissance des fidèles à toutes ces guérisons attribuées bien sûr à leur dévotion à la Croix de Genette qui, pour un peu, serait devenue la Croix de Sainte Genette ! Ces fidèles reconnaissants étaient loin de se douter que la guérison n’était pas forcément due à ces heures passées à genoux en  récitation du chapelet, mais qu’elle venait surtout du magnétisme de la terre-mère avec sa source bienfaisante et énergétique tout « naturellement ». On dit aussi, qu’une certaine nuit, le garde du château du Ponceau, faisant sa ronde, y trouva vers les trois heures du matin, deux femmes en prière avec des bougies allumées ! En ce lieu de silence, de rencontre et de rendez-vous, loin des agglomérations, combien de couples se sont formés ici entre la claire fontaine et le clair de lune, sur la source de Vie ? Ainsi, durant des millénaires, les gens de la contrée ont fréquenté ce lieu exceptionnel, ce Temple de la Nature.

Longtemps on s’est posé la question : « A qui appartient ce lieu-dit, la Croix de Genette ? » Les Saint-Laurentais semblent avoir voulu se l’approprier, mais ils ne sont propriétaires que du calvaire qu’ils ont planté là, pas du lieu ! L’entretien de l’endroit est assuré par les gens qui viennent le visiter ou s’y recueillir comme en témoigne encore ce petit vase de fleurs fraîches, posé là régulièrement, au pied de la croix. Depuis des millénaires il en est ainsi, puisque d’après certains historiens, ce genre de lieu est fréquenté depuis plus de dix mille ans ! En fait, la Croix de Genette fait partie humblement du patrimoine mondial des hauts lieux telluriques de la Nature Souveraine… tout simplement ! Nos aïeux avaient un degré de conscience beaucoup plus élevé que notre simple intelligence, et certains, comme les initiés cherchant leur équilibre entre le temporel et le spirituel, avaient eux aussi la « Connaissance du Tout ». Leur savoir sur les lois de la nature était sans commune mesure avec le nôtre. Avant l’avènement de notre société matérialiste, le « terrien » vivait heureux en totale harmonie avec son environnement et son appartenance à la nature s’exprimait au travers de sa conscience du Sacré. En ce temps-là, l’homme n’avait pas encore dans l’idée qu’il était supérieur à tout, il avait conscience d’appartenir humblement au Tout. Mais avec le temps, le conflit des dogmes imposés et les religions nous ont fait oublier cette réalité première, alors ces valeurs ancestrales, ces connaissances issues de la nuit des temps, se sont estompées. Et notre chemin a lentement bifurqué… aveuglés étions nous, et sommes-nous encore, par les lumières du temps, ce miroir aux alouettes d’une société soumise à la consommation, par l’appât du gain et la propriété terrestre. Loin des grandes routes bitumées de notre civilisation, ce lieu fait partie d’un patrimoine culturel et immatériel commun aux quatre communes. Oubliée dans le fond de sa forêt, sur le bord du chemin de terre, la Croix de Genette appartient donc à personne… et à tout le monde !

Alors, n’hésitez pas, allez en pèlerinage « chez vous » à la Croix de Genette ! Allez vous ressourcer en ce haut-lieu hors du temps, et si vous y êtes sensibles, vous retrouverez peut-être votre véritable nature. Allez vous y « revitaliser » en cette cathédrale naturelle de haute futaie. A la tombée du jour, tendez l’oreille bienveillante vers la source discrète d’Eau Vivante puis vers le bruissement des feuilles du grand hêtre protecteur, où peut-être, furtivement, au clair de lune, la genette se faufilera, au travers des branchages…

Écoutez le silence… 

Jean-Camille Emeriau, 2019

Malheureusement, dans les derniers jours de l’année 2020, lors d’une tempête, le grand-hêtre, ce vieux fouteau bien âgé, est tombé vers le nord, sur le territoire de Liré, et ses racines qui puisaient l’énergie jusque sous le calvaire, ont fait tomber celui-ci vers le sud, sur St Christophe la Couperie. Depuis, l’édifice a été relevé, et restauré en l’année 2021 par de braves Fuiletais, mais souhaitons qu’un nouvel hêtre soit replanté à côté, en respectant l’emplacement exact de l’ancien. Car sans son hêtre tordu, le site perd toute sa sacralité. Ainsi, le site de la Croix de Genette pourrait redevenir le sanctuaire qu’il était à l’origine, un point de revitalisation chargé d’une énergie bienfaisante pour les passants amoureux de la nature et de ses secrets.

Commentaires (1)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *