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« Dans chaque village des Mauges, il y avait un clocher et une usine »

Durant plus d’un siècle, la chaussure fut l’un des grands piliers de l’économie des Mauges. Un savoir-faire et un travail qui conviait toutes les générations d’une famille dans les mêmes entreprises.

Retour sur la grande époque de la chaussure dans les Mauges avec trois questions à Gilbert Hulin et Étienne Bachelier, respectivement président et vice-président de l’association du Musée des métiers de la chaussure à Saint-André-de-la-Marche.

Quelles sont les grandes lignes de l’histoire de la chaussure dans les Mauges ?

Gilbert Hulin : « On trouve les premières traces d’ateliers de  chaussures en 1875 à Saint-Macaire avec l’entreprise Doisy. Ça marque le début de l’industrialisation de la chaussure, sur  Saint-Macaire d’abord, et quelques années après, sur le May-sur-Èvre. À l’époque, il y a une quantité importante d’ateliers. Sur Saint-Macaire, on en comptait une quarantaine, et sur le May, une dizaine. Puis après ça s’est étalé. On peut considérer que dans les Mauges, pratiquement dans toutes les communes, il y avait un atelier, même dès fois plusieurs, et ça, ça été en croissance jusque dans les années 19601970. Puis de 1970 jusqu’aux années 2000, il y a eu une dégringolade… Et c’est principalement pour une question de coût de fabrication. Dans les années 1970, il y a eu les premières délocalisations. C’est la période où l’on a importé plus que fabriqué. La chaussure, c’était une industrie de manœuvre et donc la solution à l’époque, face à la concurrence sur le marché, c’était d’aller chercher des sous-traitants pour le développement. Au départ, ce n’était pas très loin, mais après on a cherché des fournisseurs jusqu’en Asie. Aujourd’hui, la chaussure n’est devenue que de la distribution. Il y a encore quelques fabricants. Actuellement, 20 millions de paires de chaussures par an, sont fabriquées en France, mais c’est une petite part du marché. »

Quelles sont les entreprises maugeoises qui ont marqué cette histoire ?

G. H. : « La première c’est l’entreprise Doisy à Saint-Macaire. Et après, il y en a eu plein d’autres. L’une des plus connues et qui existe encore aujourd’hui c’est Éram. C’est celle qui a le plus rayonné nationalement. Mais la plus ancienne encore en activité, c’est la société Humeau. »

Étienne Bachelier : « Au début du XXe siècle, il y avait une quarantaine d’entreprises dans ce qu’on appelle les Grandes Mauges, c’est-à-dire, les Mauges, le Choletais et une partie du Nord-Vendée. Vers La Verrie, il y avait notamment trois grosses entreprises de chaussures. En 1957, ce fut le point culminant de l’industrie avec 420 entreprises dans les Mauges et le Choletais, avec de belles entreprises sur Beaupréau, sur Saint-Pierre comme les entreprises Bellamy, Éram. À l’échelle du territoire national, le Choletais représentait 40 % du marché de la chaussure, ce qui est considérable.

G. H. : « Dans les Mauges, les industries du textile et  de la chaussure étaient les plus grands employeurs. Il y avait des générations entières d’une famille dans les mêmes entreprises. Et c’est spécifique aux Mauges ça, cette ambiance commune – atelier. Dans beaucoup d’entreprises, le chef d’entreprise c’était le maire de la commune. Cela a généré d’ailleurs beaucoup de bénévolat et d’associations avec cette concentration de gens qui passait beaucoup de temps ensemble. »

E. B. : « Par exemple, au May-sur-Èvre, en 1970, il y avait, pour 3000 habitants à l’époque, 1200 personnes qui travaillaient dans la chaussure. Les entreprises envoyaient des bus chercher le personnel jusqu’à leur porte ! »

G. H. : « Dans les années 1970, les jeunes étaient happés dès leur sortie d’école par le patron de l’entreprise du coin pour venir y travailler. C’était plus que le plein emploi, avec le côté négatif que ça ne laissait pas la possibilité de faire autre chose… Les familles avaient besoin d’un revenu. Les aînés travaillaient pour amener du pouvoir d’achat et permettre aux plus jeunes de la famille de faire des études plus longues. »

« Et puis si les entreprises sont venues dans les Mauges et le Choletais, c’est qu’il y avait une main d’œuvre qualifiée. L’esprit des Mauges, c’est l’esprit besogneux, l’esprit d’entreprendre. Il y avait une valeur et une ambiance de travail ! Aujourd’hui, c’est encore gravé dans l’esprit des gens. »

Pourquoi la chaussure fait partie du patrimoine des Mauges ?

G. H. : « Il y a dix ans, vous interrogiez n’importe qui dans le coin, il avait forcément quelqu’un de sa famille qui a travaillé dans la chaussure. C’était le lot de pratiquement tout le monde. Au temps fort de la chaussure sur le territoire, ce secteur employait 18 000 personnes sur les secteurs de production et chez les sous-traitants. »

E. B. : « Et puis la chaussure a permis à une quarantaine de communes de développer les Mauges. C’était l’époque des usines à la campagne. On avait coutume de dire qu’il y avait dans chaque village un clocher et une usine. Et c’est vrai à Sèvremoine d’ailleurs où dans toutes les communes il y a eu de la chaussure ! »

Aurélie David

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